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Des contes et légendes
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24 juillet 2011

Arsène Lupin et Herlock Sholmes

Juillet_002Le train venant de Paris arrivait, ce jour-là, au moment même où le buffet de gare de Cane était le théâtre d’une scène singulière.
Un voyageur brun, maigre, au visage rasé, et vêtu à la dernière mode, y était entré depuis cinq minutes à peine, lorsqu’un autre voyageur – un Anglais robuste – qui buvait à une table en compagnie d’un jeune garçon d’une douzaine d’années, se leva et s’avança vers lui.
« Pardon, monsieur, dit fort poliment l’Anglais, ne pourriez-vous pas me donner quelques renseignements particuliers sur le vol d’un diamant, qu’on a commis hier soir à Paris, chez le banquier Gottlieb…
- Mais monsieur, répondit l’interpellé en reculant d’un pas, pourquoi vous adressez-vous particulièrement à moi pour cela ?...
- Pourquoi, répondit en souriant l’Anglais, parce que ce voleur de diamant étant vous-même, vous devez être particulièrement bien renseigné sur ce sujet… Oh ! ne protestez pas… Si vous n’aviez eu quelque inquiétude au sujet de cette affaire, vous n’auriez pas tressailli – imperceptiblement, je le reconnais – il y a un instant, quand ce marchand de journaux est venu crier à la porte les dernières nouvelles concernant ce vol dont on vous accuse, et vous n’auriez pas souri ironiquement en lisant dans ce quotidien que la police vous attendait au Havre, tandis que vous gagnez Cherbourg, monsieur Arsène Lupin, l’insaisissable cambrioleur…
- Tous mes compliments, monsieur Herlock Sholmes… »
Ce fut autour de l’Anglais d’être interloqué.
« Oh ! ne protestez pas, vous non plus, reprit ironiquement son interlocuteur : qui donc saurait tirer des conclusions aussi déconcertantes d’aussi menus faits, si ce n’est pas le fameux détective amateur ?...
- Ce ne serait évidemment pas l’inspecteur de la sûreté Galimar qui, en ce moment, court après vous d’un côté, alors que vous filez de l’autre, en route pour le Nouveau-Monde, répliqua Herlock Sholmes (car c’était bien lui). Pauvre Galimar comme vous vous jouez de lui !
- De lui comme de tous ceux qui s’attaquent à moi…
- Serait-ce un défi à mon égard ?
- Si vous voulez !...
- Bien ! je ne veux pas arrêter tout de suite, ce serait trop facile… Rentrez donc à Paris car, pendant que nous bavardions, le train de Cherbourg est reparti ; je vous donne quatre jours pour vous débrouiller, et dans quatre fois vingt-quatre heures à partir de cet instant, je m’engage à vous mettre la main au collet ! 
Avant de partir en campagne pour gagner cette sorte de pari, Herlock Sholmes avait besoin de connaître tous les détails du vol de diamant. Où pouvait-il mieux les avoir qu’au service de la sûreté ? Aussi vint-il frapper, dès le lendemain, au cabinet de l’inspecteur Galimar rentré la nuit même – mais rentré bredouille naturellement – du Havre.
Pour l’instant il ne s’y trouvait qu’un vieux garçon de bureau.
« Monsieur l’Inspecteur est à côté, répondit-il humblement, à la demande de Herlock Sholmes. Si monsieur veut bien s’asseoir pendant que je vais le prévenir… »
Il montrait au détective un fauteuil où celui-ci s’installa placidement, après avoir déposé à côté de lui une grande valise de cuir jaune à laquelle il paraissait beaucoup tenir.
Le garçon de bureau se dirigea vers la porte de sortie à laquelle Herlock Sholmes tournait le dos. Pour cela il passa derrière le fauteuil. Là, il s’arrêta une seconde ; un rire silencieux plissa ses lèvres, et crac ! voici que tout à coup le dos du fauteuil, subitement déclenché, se rabattit en avant et couvrit la bouche du détective, tandis que les bras et les pieds qui étaient articulés se relevaient brusquement et emprisonnaient ses bras et ses jambes !Juillet_003
Alors, sautillant et souriant, le vieux garçon de bureau jeta en l’air la perruque grise qui cachait ses cheveux noirs et le faux nez qui défigurait son visage, et ainsi débarrassé apparut… Arsène Lupin !
C’est un tour de sa façon, mais ce n’est pas le seul, car toujours souriant et sautillant, il s’avance vers un objet volumineux placé dans un coin du bureau ; d’un coup brusque il enlève le voile qui le recouvre, montrant ainsi à Herlock Sholmes, immobilisé comme lui sur un fauteuil, l’inspecteur Galimar, chez qui il a fait transporter pendant son voyage au Havre le mobilier à surprise.
« Maintenant, messieurs, fit l’habile voleur, je vous laisse causer de vos petites affaires. »
Deux minutes après il était dehors, débarrassé de ses deux adversaires pendant un certain temps, qui lui permettait, pensait-il, de prendre une belle avance.
Mais quel est ce bruit singulier qui se produit dans la valise… La voici qui s’ouvre lentement, prudemment, et il en sort, devinez qui ? Fred, le fils d’Herlock Sholmes.
Son papa (à malin, malin et demi) l’a « apporté » avec lui dans la valise, sachant bien qu’avec Arsène Lupin il faut s’attendre à tout.
Fred, en effet, s’empresse et délivre d’abord son père, puis Galimar…
Libres, ils sont libres, car si la porte est barricadée en dehors, il y a une sortie dérobée ignorée heureusement de Lupin !
… Le soir même le hardi cambrioleur eut l’effronterie de se montrer dans un des endroits les plus fréquentés de Paris, à Luna-Park, où dans une fête perpétuelle sont présentées les attractions les plus extraordinaire du monde entier. Il ne se doutait pas, il est vrai, qu’ Herlock Sholmes et son fils, qu’il supposait d’ailleurs toujours sous clef, avaient retrouvé sa piste et qu’ils étaient entrés derrière lui à Luna-Park, Fred, déguisé en chasseur de restaurant, en gardait une des issues, et son père l’autre : à la sortie il serait infailliblement arrêté.
Et voici Galimar lui-même qui vient à la rescousse avec les agents ! Cette fois Lupin ne peut échapper… Justement il paraît… Un coup de sifflet… les agents s’élancent, c’en est fait de lui !
Mais que se passe-t-il ? Une trombe de vent souffle en tempête sur la troupe des policiers qui s’abattent Juillet_001les uns sur les autres…
C’est encore un tour de Lupin.
D’un coup de poing, il a renversé un employé de Luna-Park dont les fonctions consistent à manœuvrer un courant d’air formidable, à l’aide duquel il s’amuse à décoiffer les gens qui passent à sa portée, et, prenant sa place, il lance la trombe à laquelle il donne toute sa force, sur la troupe des policiers.
Alors, laissant cet ouragan, qu’il a si habilement déchaîné, protéger sa retraite, Arsène Lupin s’enfuit par une petite porte destinée au personne, tandis que Fred et son père se morfondent aux sorties du public !
Cette fois, la piste de Lupin était bien perdue, du moins pour Galimar.
Il n’en était pas de même pour Herlock Sholmes, et voici pourquoi. Sur un plan de la forêt de Villers-Coterets qui avait appartenu à Lupin et qui était tombé entre ses mains, il avait crut découvrir des signes et une légende qui devaient indiquer quelque repaire caché, où son insaisissable adversaire pouvait se terrer au moment du danger.
Aussi avait-il résolu de visiter cette forêt, ce qu’il fit dès le lendemain en compagnie de Fred, qui d’ailleurs ne le quittait jamais.
La légende du plan parlait du roi Dagobert… Ce n’était pas très clair, mais cela le devint subitement pour le détective, lorsqu’en débouchant dans une clairière où les signes du plan l’avait amené, il aperçut encastré dans un roc qui le surplombait, une statue représentant les traits du célèbre monarque dont saint Eloi était le ministre…
Il n’y avait qu’une maison de garde qui paraissait inhabitée ; cependant il fallait se méfier, et Fred, envoyé en sentinelle au sommet du roc, fut chargé de surveiller les alentours et de donner l’alarme.
Herlock Sholmes relisait la légende où il était question d’une chose qui devait se trouver à mi-corps de la statue… et, tout en lisant, il promenait une de ses mains sur la pierre… Soudain son index rencontra une petite résistance ; il appuya machinalement : aussitôt la statue tourna sur elle-même en démasquant l’entrée d’un souterrain.
« All right ! » s’écria le détective avec une expression de joie triomphale, et, après avoir allumé une lanterne électrique de poche, il s’enfonça résolument dans le souterrain.
Maintenant il descendait un escalier interminable qui courait entre deux murs de roc, sans se douter que, là-haut, la statue du roi Dagobert, manœuvrée par une main invisible, il avait repris sa place primitive, fermant ainsi de nouveau l’entrée. Soudain, comme il atteignait enfin le sol, ces paroles qui semblaient tomber de la voûte, et dans lesquelles il reconnut immédiatement la voix d’Arsène Lupin, parvinrent distinctement à ses oreilles :
« Cher monsieur Herlock, vous n’avez plus que vingt-quatre heures à peine pour m’arrêter… Eh bien, si vous voulez accomplir votre menace, il faudra que vous tâchiez de sortir de ce joli petit endroit, où vous vous êtes sottement laissé conduire par le plan que vous aviez si heureusement découvert… parce que je m’étais arrangé pour cela. »Juillet_004
Un grondement suivit ces mots. Là-haut, Arsène Lupin, caché dans la maison du garde, avait touché un bouton électrique, et, dans ce souterrain, les roches machinées comme des décors de théâtre, s’étaient subitement déplacées, formant un puits étroit aux parois absolument nues et sans aspérités : quant à l’escalier, il avait disparu.
« Pincé ! » grommela Herlock Sholmes, sans que cette terrible aventure eût abattu son sang-froid…
Mais aussitôt une pensée affolante vint à son esprit. Et Fred qui est resté tout seul dans la forêt. Pourvu qu’il ne lui arrivât rien ! Alors cet homme si intrépide se sentir faiblir, et des larmes vinrent à ses yeux.
Soudain, il tendit l’oreille : là-haut, tout là-haut il lui semblait entendre comme un appel étouffé… ce n’était pas une illusion…
« Père, où êtes-vous ? Père, répondez ! disait la petite voix de son fils.
- Fred, Fred, cher petit homme, reprenait Herlock Sholmes, en criant de toutes ses forces, je suis enfermé sous terre…
- Sous terre ! Mais puisque je vos entends, et que vous m’entendez, il faut qu’il y ait quelque ouverture. »
Quelques instants se passèrent.
« Ca y est, j’ai trouvé ! » reprit joyeusement l’enfant.
Et bientôt Herlock Sholmes vit une échelle de soie qui descendait jusqu’à lui.
« Hein, papa ! fit Fred, en sautant légèrement sur le sol de la caverne, croyez-vous que j’ai eu une bonne idée d’emporter, ce matin, votre échelle de soie roulée sous ma blouse, autour de mes reins !...
- Cher petit, murmura Herlock Sholmes en embrassant tendrement son fils, vous serez aussi un fameux détective… Que dis-je, vous l’êtes déjà, puisque c’est grâce à vous qu’Arsène Lupin sera pincé à l’heure dite… »
… Et, en effet, le lendemain, à l’instant même où le délai de quatre jours expirait, le détective qui, on s’en doute, ne s’était pas attardé à chercher plus longtemps le secret de la caverne, mettait la main sur l’épaule de son adversaire stupéfait. Mais Herlock Sholmes fut généreux dans la victoire et, sur la promesse que lui fit Arsène Lupin de restituer le diamant volé et d’abandonner son existence criminelle, il lui laissa la liberté.

André MASSANES

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Commentaires
T
C'est novelization de la piece par Victor Darlay et Henri de Gorsse en 1910.<br /> <br /> Arsene Lupin contre Herlock Sholmes (a ete joue a Chatlet).<br /> <br /> Il y a adaptation anglaise de la piece qui a ete publie par Black Coat Press.<br /> <br /> Je voudrais regarder couverture illustre en couleur de magazin original, Mon Journal...(pas de coupe)
M
Bonjour,<br /> Cette nouvelle est intéressante.<br /> J'aimerais en savoir un peu plus, de quand date-t-elle, a-t-elle déjà été publiée ?<br /> D'où proviennent ces superbes dessins qui l'illustrent ?<br /> Merci pour vos réponses.
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