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Des contes et légendes
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18 avril 2008

Les deux avares

Vous saurez que l'Araca, un vieux "brûle-sardines" qui aurait, pour épargner, partagé un poil par le milieu, ouït dire un jour, qu'au village voisin, un certain Pied-de-Lampe était le roi des épargneurs.
Il est toujours bon d'apprendre. L'Araca, le lendemain matin, vint donc trouver le fameux Pied-de-Lampe pour le questionner un peu sur l'épargne.
Pied-de-Lampe, justement, venait de se lever, et de ses doigts crochus, pour débrouiller ses cheveux, il se peignait avec les ongles.
- Bonjour !
- Bonjour.
- Vous ne me connaissez peut-être pas, lui dit l'Araca, je suis l'Araca.
- L'Araca ! diable, si ! lui fit Pied-de-Lampe, j'ai entendu parler de vous, qui, paraît-il, êtes un maître pour faire courir la brouette. (Pratiquant l'usure)
- Tout à votre service, reprit l'Araca. Voici donc pourquoi je venais. On m'a appris l'autre jour que, vous non plus, compère, vous ne gaspillez point le vivre, et - vous savez que la Vieille ne voulait jamais mourir, parce que toujours elle apprenait, - je suis ici pour l'honneur, l'avantage en même temps, de faire votre connaissance et pour m'instruire dans cette grande science qui s'appelle l'épargne.
- Tout à votre service ! répliqua Pied-de-Lampe, en lui touchant la main ; vous n'avez pas déjeuné ?
- Non.
- Eh, bien, compère, vous déjeunerez avec moi ; et, si vous le permettez, je vais sortit un moment pour acheter quelque pitance.
- Je vous accompagnerait, lui dit l'Araca, car, si cela ne vous fait rien, j'apprendrai ainsi à marchander.
- Allons.
- Allons.
Et nos deux grigous, traînassant la savate, partent pour le marché. En passant devant le fournier : (boulanger)
- Il est bon aujourd'hui, votre pain ?
- Ah ! dit Gâte-Pâte, aujourd'hui nous avons bien pétri : quand vous goûterez le pain, voyez-vous, c'est un beurre...
Et, se tournant vers son compagnon :
- Qu'en dites-vous ? fit Pied-de-Lampe, tout en ricanant de côté, puisque le beurre est meilleur que le pain, si donc nous allions acheter du beurre ?
- Allons acheter du beurre.
Et, zou ! patin, patan, ils vont chez dame Greset, la marchande de beurre :
- Bonjour, dame Greset, nous voudrions un peu de beurre... Il est bon, aujourd'hui, votre beurre ?
- Mon beurre ? Voyez, tâtez-le ; c'est fin comme de l'huile !
- Qu'en pensez-vous ? fit ce finaud de Pied-de-Lampe à son collègue l'Araca, puisqu'il paraît que l'huile est plus fine que le beurre, si nous allions acheter de l'huile ?
- Sus ! Allons acheter de l'huile !
Et ils entrent chez tante Bougnette :
- Bonjour, tante Bougnette, nous voudrions un peu d'huile... Votre huile est bonne au moins ?
- Mon huile ? Regardez-là : c'est limpide, c'est clair comme de l'eau de roche.
- Tiens ! dit Pied-de-Lampe, sommes-nous pas des nigauds ? Puisque la bonne eau est plus claire que l'huile, eh ! allons déjeuner à la fontaine !
Et, cela dit, tous deux allèrent, de ce pas, boire à la grande fontaine ; et il déjeunèrent de cette façon.

Conte Provençal par Frédéric MISTRAL

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