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Des contes et légendes
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6 septembre 2007

Suite et fin de l'histoire de Freddie

Après quoi je m'abandonnai au plaisir du premier stade de mon voyage : un séjour de trois semaines chez ma fille à Santa Cruz (Californie), où mon fils vint nous rejoindre.
Mais le soir, seule et lasse, je pensais à Freddie. J'avais beau me raisonner, je l'avais bel et bien trahi. Je ne pouvais compter que sur le temps, qui apaise bien des regrets. Or, ce sur quoi je ne comptais pas, c'était l'étrange appréhension qui s'empara de moi et ne fit que croître. Lors de ma dernière soirée à Santa Cruz, tandis que je regardais vaguement la télévision, je me surpris à dire tout haut :
"Freddie, est-ce que tu vas bien ?"
Cela me frappa parce que je n'ai pas l'habitude de me conduire ainsi. Mais j'avais été mue par une mystérieuse contrainte. Et, ce qui  est plus curieux encore, j'avais senti à ce moment-là la présence de Freddie, niché selon son habitude dans mon bras droit, la tête sous mon menton. L'impression était si forte, si réelle, que j'avais déjà la main levée pour le caresser, quand je m'arrachai à l'envoûtement.
Le matin suivant, au lieu d'aller à New York en auto comme je l'avais projeté, je décidai de vendre la voiture et de prendre l'avion. Mais pour cela je devais retourner à Los Angelès, où le marché de l'occasion était plus favorable et où j'avais laissé les papiers de la voiture. J'étais si content de rentrer que je chantais en roulant sur la route.
Dès mon retour, j'appelai Mary :
"Comment va Freddie ?
- Je ne sais pas comment vous l'annoncer, répondit-elle, mais Freddie s'est sauvé le lendemain du jour où je l'ai amené chez moi."
Une amie venue la voir avait laissé la porte d'entrée ouverte une seconde de trop, et le chat avait filé. Il ne connaissait pas le quartier, et Los Angelès est une ville gigantesque. Elle l'avait cherché pendant des jours, malheureusement en vain.
Après avoir raccroché, je regardai machinalement par la fenêtre, écrasée de chagrin. Voilà pourquoi j'avais senti qu'il m'appelait. J'étais glacée de remords et de désespoir.
Je téléphonai à Janne. Elle savait depuis le début, mais n'avait pas eu le coeur de me mettre au courant. La nuit venue, je fis un cauchemar : je voyais Freddie en grand danger. La sonnerie du téléphone réveilla. C'était Janne, qui sortait du même cauchemar. La coïncidence était trop grande pour ne pas nous frapper. Janne me pressa de téléphoner à son professeur de perception extrasensorielle, un parapsychologue renommé. Il nous suggéra d'aller au dernier endroit où le chat avait séjourné et de nous livrer là au même rituel de méditation que j'avais employé la première fois pour le faire venir et qui avait si bien réussi alors.
Quelques minutes plus tard, j'étais chez Mary, avec une boîte de pâtée et la vieille carpette de cuisine pleine de senteurs de la maison. J'expliquai à Mary mon intention et lui demandai l'hospitalité pour vingt-quatre heures. Elle y consentit et m'offrit même sa participation, tout comme Janne quand je l'appelai. A 6 heures du soir, nous mettions en commun nos pouvoirs psychiques pour retrouver un petit chat noir. Aucune de nous trois ne trouvait cela absurbe.
A 7 heures, nous avions achevé notre méditation. Nous nous sentions épuisées. Toute la nuit, je guettai les bruits légers que fait un chat. Au matin, mon moral eut du mal à tenir bon. A 11 heures, je n'avais plus d'espoir.
Soudain une bouffée d'émotion m'envahit, un besoin irrésistible de me lever et d'aller à la porte d'entrée. J'obéis à cette impulsion tout en m'efforçant d'empêcher l'espoir naissant de bloquer la réceptivité de mon esprit. Je me trouvai dans la rue, je  longeai le bloc d'immeubles, tournai à droite et m'arrêtai devant un chemin marqué "privé". Le raison me disait : "Ne va pas plus loin", la perception extrasensorielle me disait : "Entre". J'entrai. La perception extrasensorielle me dit : "Appelle", et je criai :
"Freddie, viens ici".
Je sifflai, puis appelai de nouveau.
"Est-ce que par hasard vous chercheriez un chat noir ?
- Oui, criai-je, un chat noir avec une queue toute tordue.
- C'est bien celui-là", me fut-il répondu.
L'instant d'après, une femme arrivait en courant. Elle était jeune, aimable et souriante.
"Je suis si contente, dit-elle. J'étais sûre qu'il appartenait à quelqu'un. Il rôde par ici depuis un mois."
Son petit garçon l'avait trouvé et amené à la maison, mais il avait refusé d'entrer. Il venait deux fois par jour mendier une pâtée. Puis il s'était sauvé de nouveau et caché.
Elle s'était occupée de lui, avait fixé un petit billet à son collier, l'avait nourri de lait et de reliefs de leurs repas. Il reviendrait sûrement ce soir. Elle me téléphonerait. Je la remerciai mille et mille fois. Elle s'appelait Mira Hoenig et s'était fait du souci pour mon chat.
"C'est une chance que vous ne soyez pas venue plus tôt, disait-elle. J'ai été dehors toute la matinée."
Comment lui expliquer qu'il ne s'agissait pas de chance ? Je lui donnai mon numéro de téléphone et la quittai.
Vers 4 heures de l'après-midi, je n'y tins plus. Munie de ma carpette et d'une boîte de pâtée, je me rendis chez Mira Hoenig. Au moment où je sortais de la voiture, je le vis ; ayant perdu sa confiance et son éclat,  il venait mendier sa nourriture.
En le voyant, j'oubliai complètemetn que les chats n'aiment pas qu'on les attrape. Il fallait que je l'attrape. Il fallait que je l'attrape et que je le tienne bien serré. Effrayé, il se débattit, mais je lui montrai la pâtée. Il mangea toute la boîte sans prendre le temps de souffler. Encore étourdi, il s'assit et me regarda, n'arrivant visiblement pas à croire que c'était bien moi.
Je le caressai doucement, puis je le pris et le portai à la voiture. Il l'examina avec circonspection. Je le posai sur la carpette, dont j'avais recouvert le siège avant. Il la flaira et reconnut son territoire. Enfin, il comprit. Si les animaux pouvaient pleurer, il aurait sûrement pleurer... avec moi.
Maintenant nous vivons ensemble à New York et vous pouvez être sûr que c'est pour toujours.

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