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Des contes et légendes
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23 janvier 2007

La belle aux cheveux d'or (suite1)

belle1
Voilà toutes ses femmes qui s'empressaient de la parer comme une reine ; elles étaient si hâtées qu'elles s'entre-cognaient et n'avançaient guère. Enfin la princesse passa dans la galerie aux grands miroirs, pour voir si rien ne lui manquait ; et puis elle monta sur son trône d'or, d'ivoire et d'ébène, qui sentait comme un baume, et elle commanda à ses filles de prendre les instruments et de chanter tout doucement pour n'étourdir personne.
On conduisit Avenant  dans la salle d'audience ; il demeura si transporté d'admiration, qu'il a dit depuis bien des fois qu'il ne pouvait presque parler ; néanmoins il prit son courage et fit sa harangue à merveille ; il pria la princesse qu'il n'eût pas le déplaisir de s'en retourner avec elle.
"Gentil Avenant, lui dit-elle, toutes les raisons que vous venez de me conter son fort bonnes, et je vous assure que je serais bien aise de vous favoriser plus qu'un autre. Mais il faut que vous sachiez  qu'il y a un mois je fus me promener sur la rivière avec toutes mes dames ; et comme l'on me servit ma collation, en ôtant mon gant je tirai de mon doigt une bague qui tomba malheureusement dans la rivière : je la chérissais plus que mon royaume. Je vous laisse à juger de quelle affliction cette perte fut suivie. J'ai fait serment de n'écouter jamais aucune proposition de mariage, que l'ambassadeur qui me proposera un époux ne me rapporte ma bague. Voyez à présent ce que vous avez à faire là-dessus ; car quand vous me parleriez quinze jours et quinze nuits, vous ne me persuaderiez pas de changer de sentiment."
Avenant demeura bien étonné de cette réponse ; il lui fit une profonde révérence et la pria de recevoir le petit chien, le panier et l'écharpe ; mais elle lui répliqua qu'elle ne voulait point de présents, et qu'il songeât à ce qu'elle venait de lui dire.
Quand il fut retourné chez lui, il se coucha sans souper ; et son petit chien, qui s'appelait Cabriole, ne voulut pas souper non plus : il vint se mettre auprès de lui. Tant que la nuit fut longue, Avenant ne cessa point de soupirer. "Où puis-je prendre une bague tombée depuis un mois dans une grande rivière ? belle2disait-il : c'est toute folie de l'entreprendre. La princesse ne m'a dit cela que pour me mettre dans l'impossibilité de lui obéir."
Il soupirait et s'affligeait très fort. Cabriole, qui l'écoutait, lui dit : "Mon cher maître, je vous prie, ne désespérez point de votre bonne fortune : vous êtes trop aimable pour n'être pas heureux. Allons, dès qu'il fera jour, au bord de la rivière."
Avenant lui donna deux petits coups de la main et ne répondit rien ; mais, tout accablé de tristesse, il s'endormit.
Cabriole, voyant le jour, cabriola tant qu'il l'éveilla, et lui dit : "Mon maître, habillez-vous, et sortons." Avenant le voulu bien. Il se lève, s'habille, et descend dans le jardin, et du jardin il va insensiblement au bord de la rivière, où il se promenait son chapeau sur ses yeux et ses bras croisés l'un sur l'autre, ne pensant qu'à son départ, quand tout d'un coup il entendit qu'on l'appelait :
"Avenant ! Avenant !" Il regarde de tous côtés et ne voit personne ; il crut rêver. Il continue sa promenade ; on le rappelle : "Avenant ! Avenant !"
- Qui m'appelle ? dit-il.
Cabriole, qui était fort petit, et qui regardait de près de l'eau, lui répliqua : "Ne me croyez jamais, si ce n'est une carpe dorée que j'aperçois."
Aussitôt la grosse carpe paraît, et lui dit : "Vous m'avez sauvé la vie dans le pré des Aliziers, où je serais restée sans vous ; je vous promis de vous le revaloir. Tenez, cher Avenant, voici la bague de la Belle aux Cheveux d'Or."
Il se baissa et la prit dans la gueule de ma commère carpe, qu'il remercia mille fois.
Au lieu de retourner chez lui, il fut droit au palais avec le petit Cabriole, qui était bien aise d'avoir fait venir son maître au bord de l'eau. On alla dire à la princesse qu'il demandait à la voir. "Hélas ! dit-elle, le pauvre garçon, il vient prendre congé de moi ; il a considéré que ce que je veux est impossible, et il va le dire à son maître."
On fit entrer Avenant, qui lui présenta la bague et lui dit : "Madame la Princesse, voilà votre commandement fait ; vous plaît-il recevoir le roi mon maître pour époux ?"
Quand elle vit sa bague où il ne manquait rien, elle resta si étonnée, si étonnée, qu'elle croyait rêver. "Vraiment, dit-elle, gracieux Avenant, il faut que vous soyez favorisé de quelque fée ; car naturellement cela n'est pas possible.
- Madame, dit-il, je n'en connais aucune, mais j'avais bien envie de vous obéir.
- Puisque vous avez si bonne volonté, continua-t-elle, il faut que vous me rendiez un autre service, sans lequel je ne me marierai jamais. Il y a un prince, qui n'est pas éloigné d'ici, appelé Galifron, lequel s'était mis dans l'esprit de m'épouser. Il me dit déclarer mon dessein avec des menaces épouvantables, que si je le refusais il désolerait mon royaume. Mais jugez si je pouvais l'accepter : c'est un géant qui est plus haut qu'une haute tour ; il mange un homme comme un singe mange un marron. Quand il va à la campagne, il porte dans ses poches de petits canons, dont il se sert au lieu de pistolets ; et, lorsqu'il parle bien haut, ceux qui sont près de lui deviennent sourds.belle3 Je lui mandai que je ne voulais point me marier, et qu'il m'excusât , cependant il n'a point laissé de me persécuter ; il tue tous mes sujets, et, avant toutes chose, il faut vous battre contre lui et m'apporter sa tête."
Avenant demeura un peu étourdi de cette proposition ; il rêva quelque temps, et puis il dit : "Eh bien, madame, je combattrai Galifron. Je crois que je serais vaincu ; mais je mourrai en brave."
La princesse resta bien étonnée : elle lui dit mille choses pour l'empêcher de faire cette entreprise. Cela ne servit à rien : il se retira pour aller chercher des armes et tout ce qu'il lui fallait . Quand il eut ce qu'il voulait, il remit le petit Cabriole dans son panier, il monta sur son beau cheval, et fut dans le pays de Galifron. Il demandait de ses nouvelles à ceux qu'il rencontrait, et chacun lui disait que c'était un vrai démon dont on n'osait s'approcher ; plus il entendait dire cela, plus il avait peur. Cabriole le rassurait, en lui disant : "Mon cher maître, pendant que vous vous battrez, j'irai lui mordre les jambes ; il baissera la tête pour me chasser, et vous le tuerez." Avenant admirait l'esprit du petit chien ! mais il savait assez que son secours ne suffirait pas.


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